La renonciation à un droit est de stricte interprétation et ne peut se déduire que de faits non susceptibles d’une autre interprétation. Il s’agit d’un principe général de notre droit, consacré par la Cour de cassation (Cass., 15 février 1974, Pas., 1974, I, p. 630).

À l’invitation du Journal des tribunaux, j’ai récemment publié un article rappelant les contours de ce principe et recensant ses applications dans différentes matières (J.T., 2017, p. 712).

Qu’en est-il en matière de droit d’auteur et de marques ?

Les renonciations aux droits d’auteur s’interprètent strictement

Les contrats de cession de droits d’auteur, c’est-à-dire les actes juridiques par lesquels l’auteur renonce à ses droits, sont étroitement encadrés.

De manière générale, les contrats conclus par l’auteur s’interprètent restrictivement, afin de le protéger d’un cocontractant trop gourmand (art. XI.167, § 1er, CDE). C’est ainsi, par exemple, que le transfert de la propriété de l’original d’une photographie réalisée sur commande n’emporte pas la renonciation de son auteur à ses droits de reproduction (Gand, 4 mar 1999, IRDI, 1999, p. 169).

Quant au droit moral, il ne peut faire l’objet d’une renonciation globale. Une renonciation partielle est par contre possible: l’auteur peut par exemple renoncer à ce que son nom soit associé à l’oeuvre (droit de paternité).

Mais même en cas de renonciation partielle, l’auteur conserve le droit de s’opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification de son oeuvre, ainsi qu’à toute autre atteinte préjudiciable à son honneur ou à sa réputation (art. XI.165, § 2, CDE).

Marques: attention au délai de cinq ans

Conformément au principe général de droit étudié, il ne peut en principe pas être question d’un abandon tacite des droits attachés à la marque (Mons, 22 janvier 2007, ICIP, 2007, p. 31).

Toutefois, il faut garder à l’esprit les règles organisant la forclusion par tolérance et la déchéance des droits de marque.

Ainsi, le titulaire d’une marque antérieure qui tolère sciemment l’usage d’une marque postérieure durant une période de cinq années consécutives s’expose à la forclusion: il ne lui sera plus possible de s’opposer à l’usage de la marque postérieure ou d’en demander l’annulation (art. 2.24 et 2.29 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle et art. 61 du Règlement n° 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne). Les titulaires de marques ont donc une véritable obligation de faire valoir leurs droits, sous peine de voir ceux-ci paralysés à l’égard du tiers dont ils auraient toléré les activités. C’est une des raisons pour lesquelles il me semblait légitime que le titulaire de la marque « Comme chez soi » (restaurant bruxellois étoilé) s’oppose à l’usage de celle-ci par un restaurant social.

Les titulaires de marques sont en outre soumis à une obligation d’usage. À défaut d’usage sérieux de la marque durant une période de cinq années, les droits à la marque s’éteindront. Cette extinction n’est toutefois pas automatique: elle doit être demandée par une partie dans le cadre d’une procédure.