Votre site Internet est la vitrine de votre entreprise et votre nom de domaine constitue son enseigne. À l’ère du commerce électronique, il est crucial de garder le contrôle sur l’usage des noms de domaine correspondant à votre dénomination et à vos marques.

Le risque de détournement de noms de domaine est important…

Le risque de voir votre nom de domaine détourné par un tiers mal intentionné est réel, dans la mesure où n’importe qui peut acquérir un nom de domaine en quelques clics et sans devoir justifier la légitimité de sa démarche. De plus, le coût est généralement modique: à titre d’exemple, il suffit de payer annuellement un peu plus de 15 EUR pour obtenir un nom de domaine « .be » ou « .com ».

Le raisons qui pourraient pousser un tiers à s’accaparer un nom de domaine identique ou ressemblant à votre dénomination ou votre marque sont multiples:

  • vous êtes ou avez été liées par un contrat (par exemple la distribution des produits sous une marque) et votre (ancien) cocontractant utilise la marque dans un nom de domaine;
  • un nom de domaine correspondant à votre marque est enregistré afin de tenter vous le revendre au prix fort – c’est ce que l’on appelle le « cybersquatting » ou « domain name grabbing ». Cette intention de revente apparaît soit d’emblée, par le biais d’une annonce publiée à l’adresse du nom de domaine, soit en réaction à une mise en demeure adressée au détenteur du nom de domaine;
  • un nom de domaine très ressemblant à votre marque est enregistré, afin de spéculer sur la faute de frappe que commettrait l’internaute (par exemple « befluis » au lieu de « Belfius », ou « vlovlo » au lieu de « Volvo ») – c’est ce que l’on appelle le « typosquatting« .
  • lorsque la tromperie a pour but de sous-tirer des données confidentielles à l’internaute, on parle de « phishing« , très fréquent dans le secteur des services financiers. Un exemple très récent concerne l’envoi de faux emails à partir d’adresses « @minfin », par des escrocs se faisant passer pour le SPF Finances.

…mais des procédures spécifiques permettent d’y faire face !

Heureusement, des procédures spécifiques ont été mises en place afin d’offrir une réaction tout aussi efficace à l’enregistrement abusif de noms de domaines.

Les procédures arbitrales

Le contentieux des noms de domaines est probablement la matière dans laquelle il est le plus fréquemment recouru à l’arbitrage, c’est-à-dire une procédure décisionnelle organisée par une instance privée, selon ses règles propres, en dehors du circuit judiciaire classique.

Ce qui distingue ces procédures arbitrales, c’est leur rapidité et leur caractère écrit, ne nécessitant pas la comparution des parties.

Deux exemples:

  • pour les noms de domaine « .be« , c’est le CEPANI qui est compétent. Les frais de procédure s’élèvent à 1.750 EUR, mais ceux-ci sont remboursés au plaignant si sa plainte se révèle fondée. Cette particularité rend la procédure CEPANI particulièrement attrayante lorsque l’on est confronté à des enregistrements manifestement abusifs, par des détenteurs difficilement identifiables et qui ne réagissent pas. En effet, le coût de la procédure se limite alors en définitive aux honoraires pour la rédaction de la plainte, qui peut être assez sommaire. La durée de la procédure est d’environ 55 jours.
  • quant aux noms de domaine génériques (.biz, .com, .info, .net, .org, etc.), ils peuvent faire l’objet d’une procédure arbitrale devant l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle). Les frais de procédure s’élèvent à 1.500 dollars – non remboursés au vainqueur, contrairement au CEPANI. La durée de la procédure est d’environ 60 jours.

Il ne s’agit ici que d’exemples, chaque type de nom de domaine disposant de sa procédure ad hoc.

Procédure particulière devant les tribunaux belges

Depuis une quinzaine d’années, les tribunaux belges ont également une compétence spéciale pour régler les litiges concernant les noms de domaine « .be« , ainsi que tout autre nom de domaine dont le détenteur est établi en Belgique.

Ici aussi le mot d’ordre est l’efficacité, puisqu’il s’agit d’une procédure « comme en référé » dont la durée est d’une quinzaine de jours à quelques mois dans les cas plus complexes.

Les frais de procédure se limitent à un droit de mise au rôle inférieur à 200 EUR.

Que faut-il démontrer pour obtenir le transfert d’un nom de domaine ?

Quelle que soit la procédure choisie, trois conditions devront être réunies afin de récupérer le nom de domaine:

  • le nom de domaine doit être identique ou ressemblant à un droit antérieur;
  • le détenteur du nom de domaine ne dispose d’aucun intérêt légitime pour l’enregistrer ou en faire usage;
  • le détenteur du nom de domaine agit de mauvaise foi.

Première condition: un droit antérieur du plaignant

Logiquement, le plaignant doit justifier d’un droit antérieur. Il peut s’agir d’une marque, mais également d’une indication géographique ou appellation d’origine, d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale, ou encore d’un nom patronymique.

Attention toutefois, dans le cadre de la procédure arbitrale devant l’OMPI, le droit antérieur doit nécessairement être une marque. Ceci démontre à nouveau l’importance de protéger les produits et services de son entreprise par un enregistrement de marque.

Concernant les marques qui peuvent être invoquées, il est intéressant de noter qu’une marque étrangère pourrait permettre d’agir contre un enregistrement de domaine « .be » et que la marque pourrait être postérieure à l’enregistrement du nom de domaine.

La ressemblance entre le nom de domaine et le signe antérieur s’appréciera en comparant les signes visuellement, auditivement et conceptuellement. On ne tiendra pas compte de l’ajout d’éléments descriptifs (par exemple Belfius-service ou catverhuur).

Deuxième condition: absence d’intérêt légitime du détenteur du nom de domaine

Le détenteur du nom de domaine doit pouvoir justifier d’un intérêt légitime à son enregistrement. Un intérêt légitime existe notamment en raison de (la préparation de) l’offre de bonne foi de produits ou services sous ce signe. Une page « under construction » n’est par contre pas suffisante pour démontrer l’intérêt légitime.

Il existe également un intérêt légitime lorsque le détenteur du nom de domaine est connu sous ce nom.

A contrario, il n’est pas question d’intérêt légitime lorsque le détenteur n’a aucune relation avec le plaignant, lorsqu’il n’est pas connu sous le nom de domaine ou encore lorsque la page et inactive.

Qu’en est-il des revendeurs et des distributeurs de produits ou services ? Peuvent-ils librement utiliser la marque de ces produits ou services dans un nom de domaine ? La jurisprudence exige qu’il existe un véritable partenariat entre le titulaire de la marque et le détenteur du nom de domaine (donc par exemple un contrat de licence ou de distribution). Il est également exigé que les relations entre le détenteur du nom de domaine et le titulaire de la marque apparaisse clairement, en sorte que le public ne puisse pas être induit en erreur quant à l’identité du détenteur du nom de domaine.

Troisième condition: mauvaise foi du détenteur du nom de domaine

La mauvaise foi du détenteur doit être démontrée sur la base des circonstances concrètes. Il est notamment question de mauvaise foi dans les cas suivants:

  • l’enregistrement en vue de le revendre au titulaire du droit ou à un concurrent, pour un prix excédant le montant des frais en rapport direct avec l’acquisition de ce nom de domaine ;
  • l’enregistrement en vue d’empêcher l’utilisation par le titulaire du droit et le détenteur est habitué à une telle pratique ;
  • l’enregistrement essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent ;
  • l’usage pour attirer les utilisateurs à des fins lucratives, en créant une probabilité de confusion avec le site du titulaire du droit ;
  • l’enregistrement de noms personnels, sans lien démontrable entre le détenteur et les noms.

En général, la mauvaise foi est examinée plus sévèrement lorsque la marque reproduite dans le nom de domaine est renommée. L’absence de réponse à une mise en demeure adressée au détenteur est en également retenue comme un indice de la mauvaise foi de ce dernier.


Dans de nombreux cas, l’enregistrement d’un nom de domaine par un tiers mal intentionné est manifestement abusif (cfr. les cas de cybersquatting énoncés ci-dessus). Les procédures arbitrales sont particulièrement appropriées pour ces cas clairs, puisqu’elles permettent le règlement du litige par simple échange de documents écrits et dans un délai assez bref.

À côté des procédures arbitrales, la procédure judiciaire peut également s’avérer redoutable afin de faire plier un adversaire récalcitrant, qui devra justifier sa position devant un juge et sera contraint de supporter les frais de défense du plaignant, par le mécanisme de l’indemnité de procédure.

Définissons ensemble la meilleure stratégie pour protéger l’identité de votre entreprise.

%d blogueurs aiment cette page :