Un certain nombre de dépôts de marques sont refusés par les Offices, principalement au motif qu’ils sont dépourvus de caractère distinctif. Des recours existent contre ces décisions. Afin de limiter ce risque, il est toutefois crucial de bien préparer son dépôt de marque.
Les motifs absolus de refus d’enregistrement
Lorsqu’une marque est déposée, l’Office examine préalablement si toutes les formalités ont été correctmement remplies et si aucun motif ne s’oppose à l’enregistrement de la marque.
Ainsi, selon le rapport annuel 2019 de l’Office Benelux de la propriété intellectuelle, sur un total de 20.802 dépôts reçus, 1.705 ont fait l’objet d’une décision de refus provisoire par l’Office.
Un tel refus est fondé sur ce que l’on appelle les « motifs absolus de refus d’enregistrement ». Il s’agit principalement des motifs suivants.
La marque est descriptive ou non distinctive
La marque est jugée descriptive lorsqu’elle est composée exclusivemet de signes ou d’indications pouvant servir à désigner certaines caractéristiques des produits ou services telles que la qualité, quantité, destination, valeur, provenance géographique, époque de production, etc. Une marque est dépourvue de caractère distinctif lorsque, sans décrire littéralement le produit ou le service, elle ne suffit cependant pas à identifier ces produits ou services comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de les distinguer de ceux d’autres entreprises.
Pour mieux comprendre, voici quelques exemples récents de marques refusées par l’Office Benelux sur cette base:
- QUICK LIGHTING MOUNT refusée pour des luminaires, spots et projecteurs;
- CARE FIRST refusée pour des services caritatifs;
- POWERPHONE refusée pour des smartphones.
La marque est composée exclusivement d’indications devenues usuelles dans le langage courant
Il s’agit ici d’examiner si la dénomination déposée est usuelle selon l’usage en vigueur dans les milieux dont relève le commerce des produits ou services concernés.
Sur cette base, la Cour de justice Benelux a confirmé dans un arrêt du 15 juin 2020 une décision de refus d’enregistrement de la marque PET’S BUDGET pour des articles pour animaux.
La marque est contraire à l’ordre public ou aux bonnes moeurs
La contrariété à l’ordre public et aux bonnes moeurs est une notion par nature évolutive, puisqu’elle dépend de la perception sociale à un moment donné. Afin de l’apprécier, il convient, en effet, de tenir compte du fait que les signes visés par ce motif de refus choqueront non seulement le public auquel les produits et services désignés par le signe sont adressés, mais également d’autres personnes qui, sans être concernées par lesdits produits et services, seront confrontées à ce signe de manière incidente dans leur vie quotidienne.
J’examine ces questions plus en détails dans l’article suivant:
Provoquer pour marquer: jusqu’où aller trop loin ?
Certaines marques de produits ou services peuvent heurter la sensibilité du public qui y est confronté. Pour cette raison, elles peuvent être refusées à l’enregistrement. Cet article examine à quelles conditions.
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Dialogue avec l’Office
Lorsque l’Office émet de telles objections, il laisse au titulaire de la marque la possibilité de faire valoir son point de vue.
Un dialogue s’installe alors avec l’Office, pour tenter de lever l’objection. Ainsi, sur les 1.705 dépôts refusés provisoirement par l’Office Benelux, 1.281 ont fait l’objet d’un refus définitif. En d’autres termes, plus de 400 déposants sont parvenus à convaincre l’Office Benelux de la validité de leur dépôt.
C’est dire s’il est important de ne pas baisser les bras et de se faire accompagner par un spécialiste du droit des marques, afin de répondre à l’Office.
J’accompagne régulièrement mes clients dans ce cadre en rédigeant l’argumentaire soumis à l’Office. Il s’agit le plus souvent de démontrer que la marque est distinctive, au sens de l’abondante jurisprudence des Cours de justice de l’Union européenne et du Benelux, qui donnent corps à cette notion.
Afin de lever l’objection formulée par l’Office, on peut également envisager une limitation des produits et services visés par le dépôt. Le caractère distinctif s’apprécie en effet de manière concrète, au regard de chacun des produits ou services visés.
Attention: si une limitation est possible, il est par contre impossible d’étendre a posteriori le périmètre de son dépôt, ni en ajoutant des produits ou services, ni en modifiant la marque afin de la rendre plus discinctive (par exemple par l’ajout d’un logo). Ce type de modification ne peut passer que par un nouveau dépôt.
Recours possibles
Si l’Office maintient sa décision de refus, elle peut faire l’objet d’un appel devant une chambre spéciale de la Cour de justice Benelux. Cette décision peut faire l’objet d’un pourvoi devant une autre chambre de la Cour de justice siégeant « en cassation ».
Pour les marques de l’Union européenne, l’appel se déroulera devant la chambre de recours de l’Office. Un pourvoi contre cette décision d’appel est possible devant le Tribunal de l’Union européenne
Prévenir plutôt que guérir: mieux préparer son dépôt en amont
Les décisions de refus émises par l’Office sont susceptibles de recours. Toutefois, ces recours prennent du temps et placent le déposant dans une situation d’insécurité juridique. En effet, il faudra patiemment attendre une issue favorable avant que la marque ne soit finalement enregistrée.
Afin de limiter le risque de refus par l’Office, il est donc crucial de bien préparer son dépôt. Un spécialiste du droit des marques saura vous assister efficacement, car il connaît les critères d’appréciation des motifs absolus et la pratique des offices des marques.