C’est l’actualité juridico-pop de ce début de semaine en Belgique: StuBru, station de radio pop-rock de la VRT aurait été sommée de cesser l’usage de la dénomination KING OF POP pour le quizz musical qu’elle diffuse chaque dimanche matin.
La presse nous apprend que l’auteur de cette mise en demeure n’est autre que Triumph International Inc., la société gestionnaire du merchandising de Michael Jackson, surnommé le roi de la pop.
Une rapide recherche dans le registre révèle que Triumph est en effet titulaire de plusieurs enregistrements de marques de l’Union européenne pour le signe KING OF POP. Ces marques sont enregistrées pour une très large gamme de produits et de services. Certains semblent évidents (enregistrements audio musicaux, t-shirts, services de divertissement, …), d’autres ne laissent pas de surprendre (dentifrices, sacs de ski, …).
Un roi déchu ?
Grâce à l’une de ses marques KING OF POP enregistrée expressément pour des « services de production de programmes de radio », Triumph semble donc à première vue armée pour s’opposer à l’usage de cette même dénomination pour une émission radiophonique.
Toutefois, à y regarder de plus près, on constate que les marques de Triumph ont été enregistrées en 2009. Or, les marques anciennes (c’est-à-dire enregistrées depuis plus de cinq ans) peuvent se révéler fragiles. En effet, le Règlement sur la marque de l’Union européenne exige que la marque fasse l’objet d’un usage sérieux pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et ce, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement.
En d’autres termes, Triumph devra démontrer que sa marque KING OF POP a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour des « services de production de programmes de radio », au cours des cinq dernières années. À défaut, Triumph sera déclarée déchue de ses droits.
Tel est probablement l’un des premiers arguments que soulèvera la VRT, en réponse aux demandes formulées par Triumph.
Gare aux dépôts de marque trop larges
La liste hétéroclite des produits et services couverts par les marques KING OF POP laisse songeur. En effet, on imagine mal que Triumph pousse sa soif de rentrées publicitaires jusqu’à (faire) commercialiser sous la marque KING OF POP des « pinceaux », des « machines à écrire », des « peaux d’animaux », des « fouets et selles », des « sacs pour skis » ou encore des « équipements de protection pour athlètes ».
Les dépôts effectués en 2009 semblaient avoir pour but de « râtisser large » en couvrant des catégories de produits potentiellement intéressantes, quitte à désigner certains produits très spécifiques qui, bien que relevant de ces catégories n’ont aucun intérêt pratique pour Triumph.
Ces dépôts très larges et déconnectés de la réalité économique sont considérés avec méfiance par les instances européennes. Ainsi, dans un récent arrêt, le Tribunal de l’Union européenne a rappelé ce qui suit:
il n’est justifié de protéger les marques de l’Union européenne et, contre celles-ci, toute marque enregistrée qui leur est antérieure que dans la mesure où ces marques sont effectivement utilisées. (…) l’inscription d’une marque de l’Union européenne au registre de l’EUIPO ne saurait être assimilée à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée.
TUE, 21 avril 2021, T-663/19, Hasbro / EUIPO – Kreativni Događaji, points 50 et 54
Dans cette affaire, le Tribunal a invalidé la marque MONOPOLY que la société Hasbro avait enregistrée non seulement pour son fameux jeu de société, mais également pour une multitude d’autres produits pour lesquelles elle n’était pas en mesure de démontrer l’usage sérieux de cette marque.
La bataille juridique autour de la marque MONOPOLY fait encore rage, puisque Hasbro a formé un pourvoi devant la Cour de justice. Quant à l’affaire KING OF POP, l’avenir nous dira si elle se muera en un passionnant thriller juridique!
Illustration: capture d’écran du site de StuBru