L’humour est un puissant moyen de communication. Les meilleurs départements marketing l’ont bien compris, comme ceux de Burger King et Mc Donald’s devenus maîtres de l’exercice.

Cette semaine, c’est WWF Germany qui se distingue dans cette catégorie, en publiant sur son compte LinkedIn une évocation du récent changement de logo de Twitter. Le WWF y constate l’évolution du fameux logo en forme d’oiseau, jusqu’à sa récente disparition au profit d’une lettre X sobrement stylisée et sous-titre « Protégez nos espèces animales, avant qu’il ne soit trop tard ».

Que dit le droit des marques ?

Dans cette publication, le WWF fait usage des marques de Twitter. Or, le droit des marques autorise le titulaire à interdire à des tiers de faire usage de ses marques sans son consentement.

Cependant, ce droit d’interdiction connaît certaines limites. Il est en principe réservé aux usages de la marque dans la vie des affaires, pour des produits ou services identiques ou ressemblants à ceux couverts par la marque. C’est ce que l’on appelle le « principe de spécialité » (je l’explique avec des exemples dans cet article).

Partant, il n’est pas certain que Twitter puisse s’opposer à l’usage du WWF. En effet, le WWF n’utilise pas le logo Twitter afin de proposer à son tour un service de réseau social ou de vendre une application mobile. Le WWF pourrait se retrancher derrière un contexte de communication sur un sujet de société, en dehors de la « vie des affaires ».

Une protection complémentaire en droit Benelux

Le droit des marques Benelux se distingue par l’ajout d’une disposition offrant aux titulaires un droit supplémentaire, utile lorsque la marque est utilisée à des fins autres que celle de distinguer des produits ou services.

(…) le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage d’un signe lorsque: (…) le signe est utilisé à des fins autres que celles de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice

Article 2.20.2, d), de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle

Cette disposition originale offre aux titulaires de marques Benelux un angle d’attaque complémentaire et potentiellement très large. Probablement aussi large que les discussions que suscitent son champ d’application, dès lors que la disposition ne trouve à s’appliquer qu’en l’absence de « juste motif » dans le chef du tiers qui fait usage de la marque. Il s’agira donc d’arbitrer entre les intérêts contradictoires du titulaire de la marque et du tiers utilisant un signe identique ou ressemblant à celle-ci.

Pas encore d’exception de parodie en droit des marques

Le droit d’auteur connaît une exception de parodie, dont les contours ont été tracés par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Deckmyn. Cet arrêt fut rendu en marge d’une affaire portant sur l’adaptation, par un parti d’extrême droite, de la couverture d’un album de la série de bande dessinée Bob et Bobette (ou Suske en Wiske, dans sa version néerlandophone).

La Cour y précise que l’exception de parodie peut être invoquée, à condtion d’une part, d’évoquer une œuvre existante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci, et, d’autre part, de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie.

En revanche, une telle exception de parodie n’existe pas en droit des marques.

De prochaines clarifications de la Cour de justice

Il faudrait plutôt écrire qu’une exception de parodie n’existe pas encore en droit des marques.

En effet, la Cour de justice de l’Union européenne a récemment été saisie d’une question préjudicielle visant à savoir, en substance, si « la liberté d’expression, y compris la liberté d’exprimer des opinions politiques et la parodie politique » peuvent constituer des justes motifs de faire usage d’un signe identique ou similaire à une marque renommée.

La question est posée à l’initative d’une juridiction belge, dans le cadre d’une action diligentée par Ikea contre un parti d’extrême droite belge. L’enseigne d’ameublement avait en effet constaté la reprise de sa marque et de dessins issus de ses modes d’emploi au sein d’un pamphlet du parti extrémiste (il y est notamment question d’un « plan Ikea » en matière d’immigration):

Que retenir ?

MARKETEERS, RESTEZ PRUDENTS ! D’un point de vue publicitaire, il est entant de faire un clin d’oeil à une marque ou une oeuvre picturale connues, afin d’attirer l’attention sur sa propre entreprise. Cette démarche présente toutefois certains risques juridiques et il est recommandé de les évaluer préalablement à l’aide d’un avocat spécialisé en la matière. Discutons-en!

TITULAIRES DE MARQUES, PENSEZ AU BENELUX ! Le droit Benelux des marques offre en effet une protection renforcée, lorsqu’une marque est utilisée à des fins autres que l’offre de produits ou de services. Préparons ensemble votre dépôt.

Post scriptum

Le WWF n’est pas le seul à rebondir sur le récent rebranding de Twitter. Le cartooniste Lectrr y voit pour sa part une resucée de l’ancien logo DEXIA. La ressemblance est saisissante, en effet !

Traduction libre: « Le démantèlement de Dexia se passe bien? » « Nous avons même pu refiler une partie du logo à l’un ou l’autre idiot… »